Bandeau.

Le parcours au sein de l'institution militaire commençait par « les trois jours » dans un centre de sélection et d'orientation. Cette courte période se déroulait essentiellement selon deux axes : l'un s'intéressait à la santé des conscrits, l'autre sondait leur niveau cognitif et culturel. Elle se terminait par un entretien avec un préposé à l'orientation. Enfin, un dernier contact avec cette grande maison avait lieu la veille du départ vers la destination de l'activité.

 

Un examen médical assez complet cherchait à déceler l'aptitude à effectuer ce service. En corollaire, il s'agissait surtout d'éviter d'incorporer un jeune de santé délicate dont l'état pourrait évoluer négativement sous les drapeaux. Il se terminait par un entretien avec un médecin en uniforme. Entièrement dévêtu face à ce praticien, une auscultation sommaire complétait les données recueillies par différentes analyses réalisées auparavant. Elle se terminait par une petite claque sur les parties génitales avec la question : « Et là, ça va ? ». Quelle réaction aurait suscité une réponse négative ? Que visait cette interrogation ? L'énigme demeurait sans réponse et le restera à jamais...

 

Des batteries de tests de toutes sortes, principalement sous forme de questionnaires à choix multiples, disséquaient les connaissances et les facultés des futures recrues. Certains évaluaient la compréhension de la lecture de texte. D'autres mesuraient les compétences mathématiques, des calculs basiques à des notions plus complexes. D'autres encore tentaient de repérer des aptitudes techniques dans différents domaines de l'industrie ou du tertiaire. Enfin, des exercices éprouvaient la qualité du raisonnement, la disposition à la logique…

 

La fin de cette session se concluait par un entretien avec, probablement, un officier orienteur. Sa fonction le conduisait à définir l'affectation définitive des conscrits. A la lecture de la synthèse du bilan des tests, il proposait d'emblée : « Avec vos résultats, vous pouvez incorporer le corps des parachutistes ! ». Comment pouvait-il proclamer une telle assertion infondée ? Dans les épreuves réalisées au cours de ces journées, aucune ne cherchait à détecter la capacité à appréhender le vide, à évaluer le ressenti déstabilisant de l'impression de vertige, à la limite de l'acrophobie. Il exécutait sa mission de bon soldat « commercial » en essayant de « vendre » du para. Gonfler les rangs de ce régiment devait vraisemblablement représenter la marotte du moment dans l'institution. Alors, allons-y ! Remplissons les objectifs ! Le refus de sa superbe proposition convenue l'orientait vers une seconde offre, le summum en sa possession : « Alors, pourquoi ne pas intégrer les EOR (Élèves Officiers de Réserve) ? ». Offusqué par un nouveau refus aussi franc que spontané, il éructait : « Alors quoi ? ». En entendant ces deux mots : « La coopération », il grommelait, contrit, le regard fixé sur son dossier : « Ah! La coopération, la coopération... ». En quelques signes griffonnés avec nervosité, il complétait le formulaire d'affectation et pour terminer, il apposait sa signature. Il entérinait ainsi le choix du départ pour un service national actif à la Coopération.

 

Partir vers la destination retenue ne pouvait s'effectuer sans un dernier passage par l'armée. Aussi, la veille de l'embarquement se déroulait dans la caserne de Vincennes. Des militaires devaient impérativement réaliser d'ultimes vérifications : vaccinations obligatoires à jour, possession de divers documents nécessaires... En contrepartie, ils délivraient une attestation d'incorporation au service national actif sous la forme d'une feuille de couleur jaune délavé au format A4. Elle s'accompagnait d'une fiche cartonnée d'identité militaire renfermant force détails : photo , numéros INSEE et d'immatriculation , date et lieu de naissance. la mention « apte au service militaire », tampon et visa par les autorités compétentes. La journée s'achevait dans l'ambiance classique d'un régiment : repas à la cantine, nuit en chambrée...