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Autant participer à un service national paraissait un acte évident, autant concevoir cette obligation dans le cadre militaire semblait inconcevable. Or la gestion de ce devoir citoyen dépendait entièrement du ministère de la Défense. Désirer se détourner de la règle ordinaire nécessitait une demande auprès des services de l'armée. Deux options possibles permettaient un évitement de la préparation à la guerre : l'objection de conscience et le service actif. La première éventualité se justifiait en prônant ardemment le pacifisme, voire l'antimilitarisme. Comment les autorités militaires pouvaient-elles accepter un tel principe en complète opposition aux raisons de leur existence et à leurs motivations ? Elles se montraient donc très tatillonnes sur le contenu des dossiers et offraient une énorme réticence à délivrer leur accord. Dès lors, s'engager dans le dédale des démarches au nom de ce mouvement philosophique exposait à se confronter à un flot de difficultés. En plus, l'aboutissement de ce défi se soldait fréquemment par un refus. Ce projet attractif, car conforme aux aspirations personnelles, s'évanouissait dans un abandon inévitable... Par son intention d'apparence altruiste, les instances de l'armée toléraient plus facilement le second choix car il présentait une connotation assurément positive. Certes, il masquait éventuellement une probable ambiguïté sur les desseins réels du demandeur. Mais surtout, il ne heurtait pas de manière directe les détenteurs du dogme de l'orthodoxie militaire.

Dès la réception de l'annonce de la possibilité d'effectuer un service actif, non militaire, un premier contact s'engageait auprès des organismes ad hoc. Cette opportunité de service national hors du cadre de l'armée devait absolument se concrétiser. Ne pas annihiler cette chance nécessitait une mise en œuvre efficace, sans faille. Les demandes de dossier se dirigeaient vers les ministères de la Coopération et des Affaires Étrangères. Ces deux institutions géraient et proposaient des postes de nature différente hors métropole ou dans des pays étrangers.

 

La première réponse émanait du Ministère des Affaires Étrangères pratiquement par retour de courrier. Ce délai très court se justifiait par d'importants besoins de renouvellement des personnels sur ce type de poste. En effet, la période se situait une douzaine d'années après l'indépendance de nombreux états africains. Or la durée totale des services effectués dans un pays ne pouvait excéder six ans pour les postes dépendant du Ministère des Affaires Étrangères et douze ans pour ceux relevant de celui de la Coopération. Cette annonce favorable proposait un poste à Nasrallah au cœur de la partie nord de la Tunisie. Cette petite ville se situait à environ deux-cents kilomètres au sud de Tunis et à une centaine de kilomètres au nord-ouest de Sfax. Pendant les quelques jours suivant la réception de cette agréable proposition, la consultation de différentes cartes et autres atlas s'avérait nécessaire... Au cours de ce bref délai d'examen et de réflexion, le Ministère de la Coopération soumettait, à son tour, une affectation à Dakar, plus précisément au lycée Blaise Diagne. Cette dernière suggestion recevait immédiatement l'assentiment spontané le plus vif imaginable : le service national actif s'exécuterait au Sénégal. Toutefois, malgré l'envoi du refus motivé de la Tunisie, le Ministère des Affaires Étrangères retournait une nouvelle offre à l'école normale d'Alger. Aussi un nouveau courrier de rejet clôturait les relations avec cette institution. L'époque se montrait manifestement très propice à servir civilement à l'étranger...

 

La dernière étape se situait chronologiquement entre le moment de l'acceptation de la proposition du ministère et le départ effectif vers le pays d'affectation. Elle concernait la finalisation des formalités engagées pour l'obtention du poste. D'une part, elle sollicitait des ajouts d'ordre administratif et pratique aux données déjà recueillies. D'autre part, à la demande des autorités militaires et du pays de destination, elle requérait des examens médicaux supplétifs : vaccinations obligatoires, contrôles divers à actualiser. Bien évidemment, ces nouvelles contraintes se réalisaient avec le plus grand soin et dans les délais requis...