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Lors d'une conversation, Constant avait lancé : "Les piqûres ? mais Ida sait les faire !". Effectivement, elle avait appris les rudiments de la réalisation des injections intramusculaires par nécessité pour son fils, gravement malade. Cette information avait rapidement été colportée ici et là, et il était connu dans les environs qu'elle était en mesure d'effectuer cet acte. Quelle que soit son origine, toute demande recevait une réponse favorable de sa part. Cette action relevait souvent de l'urgence et de la nécessité dans une situation fragile, de détresse... Cette démarche se réalisait évidemment gratuitement : il s'agissait simplement, naturellement d'apporter une aide ! Toutefois, la convivialité de ce milieu rural solidaire étant spontanée et vivace, il était souvent proposé un retour de service.
 
Ainsi, lors d'un hiver pluvieux, elle avait été sollicitée pour venir en aide à une enfant en grande difficulté à la "Mignonnerie", à environ un kilomètre de Villée. Des piqûres étaient indispensables régulièrement, toutes les six ou huit heures. Or il lui était inconcevable de laisser les enfants seuls à la maison pendant son intervention.  Aussi, à la lueur d'une lampe électrique, elle cheminait pendant l'heure du parcours en leur compagnie, protégés de la pluie battante sous leur capuchon de caoutchouc. Dans le respect des consignes enseignées, elle stérilisait la seringue en verre et les aiguilles en acier. Il s'agissait d'une ébullition pendant le temps recommandé dans la casserole de son équipement. Après désinfection de l'endroit propice à l'aide d'un petit morceau de coton imbibé d'alcool, l'aiguille était piquée avec délicatesse et assurance. Le corps de la seringue rejoignait son emplacement, le piston poussait lentement et régulièrement le liquide qui pénétrait la chair pour effectuer sa "mission" humaniste, salvatrice. Après nettoyage et désinfection du matériel, il restait à effectuer le retour à Villée...
 
Plus d'un demi-siècle après, alors que la vie a abandonné Ida depuis plus d'une trentaine d'années, une anecdote mérite sa relation. Lors d'un "pèlerinage" sur ces terres sougéennes de l'enfance, une rencontre se produisit avec monsieur et madame G, les propriétaires de la maison de Villée. Ce long moment d'échanges en parcourant la propriété fut chargé d'intenses émotions, telles l'enfant qui découvre une montagne de jouets. Et, au cours de la conversation, madame G posa  cette question, en parlant de Ida : "Mais cette femme était infirmière ?". Tout ce temps écoulé n'avait pas complètement effacé cette présence bienfaitrice en son temps et en ces lieux : on pouvait encore évoquer Ida.