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En cette fin d'hiver 2020, le covid-19 a envahi quasi intégralement tous les médias sans exclusive, de la presse écrite à la télévision, entre autres. Ce sujet prégnant, envahissant, parfois inquiétant, inaugure cette rubrique ouverte de cet espace internet. Cette page n'a pas la vocation de relater une chronique de cette invasion sinistre. Son contenu évoque des ressentis propres, des visions singulières, fatalement subjectives, sur des faits constatés, des actes observés en des lieux et des temps précis : l'évolution de la contamination à son origine et au plan mondial, son traitement en France et plus localement ; différents comportements humains et interhumains ; les éventuelles conséquences futures de ce phénomène au niveau planétaire...

Au départ, les organes d'information exprimaient l'action délétère d'un virus qui sévissait dans la ville de Wuhan, capitale de la province de Hubei en Chine centrale. L'éloignement géographique de notre pays européen suggérait un mal exotique, d'origine chinoise une nouvelle fois. Progressivement, ils évoquaient une épidémie de grande ampleur provoquée par un coronavirus. Puis le déterminant indéfini se mua en article défini : le coronavirus étendait son empreinte néfaste, voire funeste, de façon exponentielle ; les conséquences de son évolution au plan mondial devenait alarmante. Cet agent infectieux avait phagocyté, dans le langage médiatique, donc de manière globale, sa propre famille biologique ! L'étendue de son impact négatif sur la population locale se développait de plus en plus. L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) décidait de le dénommer covid-19.

Le vocable usité pour l'évocation de ce fléau résulte de la juxtaposition de deux termes. D'une part, la jolie et plaisante association des trois phonèmes "corona" suggère l'apparence visuelle en forme de couronne de cette particule nuisible. Et sur le plan auditif, lors de sa pénétration dans le canal auriculaire, cette série de trois sons procure une agréable sensation propice à ébranler l'imaginaire. Cette perception harmonieuse éveille la vision de l'ondulation légère et subtile des épis d'or d'un champ d'orge en attente de fauchage, puis plus tard de maltage. D'autre part, le terme virus, rengaine des actualités médiatiques hivernales, véhicule une connotation négative pénétrée d'une inquiétude contagieuse : il insinue le vice nocif et sournois du venin qui s'immisce subrepticement avec une virulence insolente. Cette combinaison antinomique s'affiche et résonne étrangement : le conquérant mutant exhibant avec arrogance la couronne triomphale ! Cette espèce d'oxymore hybride porterait-elle en elle une  dimension prémonitoire ? Quant à covid-19, l'expression médicale et officielle qui désigne cette affection, elle transpire avec force une double froideur, comme toute expression alphanumérique : sa partie littérale, acronyme de cinq lettres issu de l'anglais, s'éructe sur un ton monotone et sourd, dénué d'harmonie et de chaleur ; avec ses deux chiffres l'un et l'autre asymétriques, son pan numérique suinte la rudesse et la rugosité glaciales... Ce sigle se forge aussi sur colporteur du vide à l'image antithétique des compagnons du devoir. Ces pèlerins vertueux répandaient le bien, la beauté et la paix de lieu en lieu dans une attitude de partage, de solidarité. A l'opposé, la cohorte des Huns serviles et belliqueux, entièrement dévoués et soumis à leur chef Attila, étendait férocement sa domination, se conduisait en envahisseur étouffant, détruisait toute résistance jusqu'à l'anéantissement, le vide... Et si cet infâme globule  lilliputien, voire nanoscopique, du 21ème siècle avait été désigné Attila-21 ?

La crise sanitaire mondiale provoquée par ce covid-19 n'a pas reçu le traitement requis par l'importance de son ampleur et de son intensité. Certes, à son origine, surprise et stupeur ont accompagné l'apparition soudaine et brutale de ses conséquences tragiques dans cette province chinoise. Dans un délai relativement bref, des hypothèses thérapeutiques formulées par certains médecins locaux se voyaient rejetées officiellement : ces approches, voisines des connaissances actuelles et désormais reconnues, semblaient inaudibles, inadmissibles, par les autorités chinoises à cette époque. Leurs messages basés sur leurs constats et leurs pratiques de terrain aspiraient simplement à prévenir de l'inquiétante gravité de cette épidémie naissante. Malgré leurs tentatives d'avertissement de péril imminent, ces lanceurs d'alerte se trouvaient mis au ban. Le bannissement des précurseurs demeure fréquemment une réalité : il n'est pas bon d'avoir raison avant ceux qui savent, qui sont censés savoir ! Toutefois, après quelques semaines, l'étendue des dommages humains causés par ce covid obligeait le corps médical chinois à mettre en œuvre des mesures collectives drastiques : isolement des malades contaminés dans un hôpital dédié et construit en deux semaines, confinement total et mise en quarantaine de la population de la province, port du masque individuel...

Alors que la Chine, ce vaste pays fort peuplé, s'engluait dans le marasme consécutif à cette contamination, le monde occidental, américano-européen, se terrait dans une circonspection quasi indifférente. Les précédentes épidémies, le SRAS-CoV (Syndrome Respiratoire Aigu Sévère due à un CoronaVirus) et le MERS-CoV (Middle East Respiratory Syndrome-related CoronaVirus ou coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen-Orient) avaient été circonscrites dans leurs zones d'apparition. Avec sa suffisance habituelle inhérente à sa culture judéo-chrétienne, il n'envisageait pas l'extension de cette contagion jusque sur son territoire. Mauvaise projection ! L'auto-proclamée "élite" mondiale constatait bientôt que le covid se jouait allègrement des distances et des frontières. Adepte effréné de la mondialisation, comme les humains et leurs postillons, il flottait, sans perdre haleine, d'un souffle à une inspiration, d'une main à une autre, d'un doigt à une narine... C'est ainsi qu'il débarqua discrètement, puis essaima sans vergogne, en terre européenne, en particulier en Italie septentrionale. Comme en Chine quelques mois auparavant, son évolution invisible et exponentielle devançait d'un temps précieux la riposte potentielle de ses hôtes latins peu soucieux de prévention. Les voisins européens observaient cet enchaînement malheureux, certes avec compassion mais sans franche solidarité, se satisfaisant d'une relation quantitative des dégâts endurés. Beaucoup d'entre eux subiront un sort similaire à quelques mois d'intervalle. L'épidémie chinoise de covid-19 était déclarée pandémie par l'OMS ! 

Que dire de la gestion de cette crise sanitaire mondiale par la France ? Un pays ceint de frontières capables de bloquer un nuage radioactif venu de l'est ne peut pas craindre l'invasion d'un modeste virus, fût-il à couronne ! Cette fois, il n'a pas été fait allusion, dans les sphères élevées, à une ligne Maginot sanitaire. Cependant, sous couvert des avis du conseil scientifique, c'est la politique de l'autruche et la méthode Coué qui ont guidé la stratégie de communication officielle : on est vigilant, on maîtrise, on est prêt, toute inquiétude serait infondée. Effectivement, un des premiers foyers d'infection a pu être contenu par une mise en quatorzaine des personnes contaminées et de leurs contacts récents. La période d'incubation du covid d'une douzaine de jours au maximum, selon les connaissances du moment, justifiait la durée d'isolement de deux semaines. Pour un second cluster, terme adopté par les initiés urbains, la recette mise en œuvre pour tenter de juguler la contamination a produit des résultats nettement moins convaincants. Ce fut d'autant plus regrettable que son origine a probablement résulté du transfert par l'armée de rapatriés français de Chine. Au vu de ses effets négatifs, cette opération initialement louable n'a certainement pas été menée avec toutes les précautions utiles et nécessaires qu'aurait dû requérir une intervention militaire. L'évolution de l'épidémie du covid dans l'Hexagone a lézardé la belle assurance initiale de son contrôle prônée par les autorités. En effet, à la suite d'un rassemblement évangélique de plus de deux mille membres pendant plusieurs jours à Mulhouse, est apparue une flambée de nouveaux cas de personnes contaminées. Du Grand Est, le virus a amplifié sa propagation aux régions voisines avec le retour des fidèles dans leur lieu de résidence. Compte tenu de l'expérience des pays déjà impactés par cette infection, sagesse et courage politique auraient dû prévaloir à la décision d'annuler cette réunion. Une gouvernance sereine et sérieuse aurait dû anticiper les probables conséquences d'un événement aussi massif. De telles situations aux possibles influences néfastes sur la santé collective auraient dû imposer l'application du principe de précaution. Prescrire des mesures draconiennes, peu populaires mais essentielles aurait exigé une vaillance hardie, mais défaillante en ces temps succédant à deux années de crises sociales difficiles. Ce manque de fermeté a fréquemment conduit à des décisions incohérentes, des dérobades ahurissantes, comme en témoignent les exemples suivants :

  • Alors que la Lombardie se débattait pour tenter d'enrayer l'expansion du covid-19, plusieurs milliers de spectateurs italiens ont traversé la frontière pour assister à une huitième de finale de la ligue des champions de foot-ball à Lyon. De ce côté des Alpes, nombre d'inquiets de l'étendue de la pandémie sur le sol français ont été abasourdis de la venue d'autant de transalpins potentiellement infectés. L'interdiction de cette manifestation sportive, ludique, non vitale, paraissait une évidence pour la sécurité sanitaire du pays !
  • La population a été suppliée, avec raison, de rester chez elle pour consolider l'endiguement de la contagion. Parallèlement, elle a été fortement incitée à se rendre aux urnes pour les élections municipales. Ces suppliques contradictoires ont provoqué une réelle confusion, une incompréhension totale, dans l'esprit de bon nombre de citoyens empreints de civisme.
  • Un autre arrêté surprenant et sans fondement logique instituait des règles d'approvisionnement de denrées de première nécessité dans le cadre du confinement indispensable pour contenir le plus possible la progression du virus. Les courses de première nécessité étaient autorisées dans les magasins de proximité et les grandes surfaces, mais interdites sur les marchés de plein air. Or, il semble plus aisé de respecter les gestes barrières imposés dans un espace ouvert que dans une file d'attente à l'entrée ou à la caisse d'un lieu commercial. La vente à l'étal constitue souvent la seule façon pour les petits producteurs de vendre le fruit de leur travail et donc de pérenniser leur exploitation. Aussi afin de compenser leur manque à gagner, il était annoncé que des sommes considérables seraient débloquées et leur seraient allouées. Ces propositions purement administratives et financières ne comportaient aucune considération concrète satisfaisante pour les intéressés : les produits doivent être cueillis ou ramassés dès leur maturité pour une meilleure qualité gustative et nutritionnelle. Les gens de la terre, avec leur bon sens légendaire, ont alors expérimenté des modes de distribution adaptés aux circonstances, entre vente à domicile et distribution individualisée. 
  • La conversion du discours sur l'utilité des masques bucco-nasaux pour le commun des mortels a engendré la pirouette la plus spectaculaire. Lors de l'apparition des premiers cas sur le territoire national, l'usage de cette protection ne se justifiait pas selon la position officielle. Quand les chinois, et plus généralement les asiatiques, déambulaient dans les rues derrière ces petits carrés de tissu vert, ce n'était pas pour raison sanitaire. Certains devaient probablement cacher les points noirs sur leur peau lisse ; d'autres, par leur appétence du mystère, aimaient à se déplacer incognito ; d'autres encore, clowns au nez vert, utilisaient cet artifice pour se déguiser... Les masques devaient servir uniquement aux personnels soignants, principalement dans les lieux destinés aux soins liés au covid. Car, et ce n'était pas claironné, la quantité de leurs stocks présentait une insuffisance inavouable, la réserve couvrait tout juste les besoins fondamentaux. De commandes exceptionnelles en Chine en demandes pressantes en direction d'entrepreneurs français, surgissaient des annonces fracassantes des acquisitions imminentes de plusieurs milliards de ces précieux carrés de tissu. Alors, le port de cette protection devenait souhaitable, préconisée, même si elle provenait d'une confection personnelle, d'une efficacité vraisemblablement imparfaite.
  • La différence d'attention et d'égards accordés au monde médical mérite aussi quelques lignes. De l'indifférence totale avant l'apparition du covid à la déférence circonstancielle, voire obligée, qui l'a suivie, les instances dirigeantes manifestèrent une remarquable virevolte. En effet, depuis plusieurs années, toutes les professions de ce milieu ont alerté haut et fort sur les conditions de fonctionnement de plus en plus déplorables des institutions sanitaires. Les revendications légitimes et accompagnées de divers mouvements d'action largement relayés par les médias sont demeurées sans écoute, ignorées. La reconnaissance de la lourde et difficile besogne effectuée par ces femmes et ces hommes de la première ligne face à cette calamité est venue de la rue. Les témoignages quotidiens, devenus rituels, de la population ont contraint la classe dirigeante à une réaction tardive. Les déclarations officielles se paraient alors de valorisations flatteuses, de vives félicitations pour l'engagement de tous les acteurs et de futures récompenses financières.

Ces tergiversations dans divers domaines montrent clairement que la préparation des autorités françaises pour affronter cette catastrophe s'était enlisée dans un brouillard consistant, flou et cotonneux. Le conseil scientifique, guide suprême en matière médicale, peinait à décoder la modeste et peu abondante littérature sur le sujet, principalement d'origine chinoise. Sans traitement vraiment efficace, ces écrits et l'analyse induite se résumaient à ces quelques recommandations utiles et nécessaires à la population : confinement, distanciation sociale, port d'un masque, détection systématique des cas. Eriger ces  conseils simples et faciles à appliquer en mesures bénéfiques à tous, aurait exigé un peu de volontarisme et de pédagogie. S'appuyant sur le principe de précaution, et sans propos alarmistes, des explications claires et précises sur le bien-fondé de ces exigences d'intérêt général auraient convaincu tout un chacun. Une telle prise de position aurait probablement rendu la période moins tendue et évité ces volte-face déconcertantes, ces rétropédalages stériles et contre-productifs.

Par contre, sur le terrain, dans les lieux de soins, une dynamique efficace s'est organisée dans l'urgence pour pallier les insuffisances. Les personnels se sont mobilisés sans compter leur temps et leur énergie, parfois au péril de leur propre santé. Les équipements existants, locaux et matériels, ont été adaptés de manière à augmenter les possibilités d'accueil des malades dans les conditions optimales de sécurité. Pour éviter la saturation des services dédiés, des solutions inédites de désengorgement ont été inventées. Tous les agents du milieu médical impliqués ont accompli, dans la lutte contre cette épidémie, un travail remarquable d'efficience, une œuvre gigantesque et méritante avec une admirable humilité et une profonde humanité.

Au niveau municipal, période électorale oblige, des attitudes insolites interpellent le concitoyen moyen. Ainsi les services municipaux ont complété le nettoyage quotidien par une désinfection spécifique des rues et mobiliers urbains. Effectivement, des engins asperseurs ont pulvérisé dans le centre ville un produit moussant, bactéricide et fongicide, biodégradable de surcroît. Les covid, ces virus un tantinet coquins et vicieux, se sont frisés la couronne en contemplant leurs copines bactéries tressauter avant de trépasser pendant que leurs copains champignons agonisaient atrocement. Montrer des actions à caractère sécuritaire en ces temps troublés pouvait influencer l'électeur bientôt appelé aux urnes. Parallèlement, l'indispensable assainissement des artères plus excentrées n'était réalisé que par les étrons canins aux propriétés virucides extraordinaires et en abondance sur les trottoirs... L'édile, visage grave, s'est fendu d'un message audiovisuel larmoyant. Le ton paternel, présidentiel, exprimait la compassion de la cité envers les familles des résidents disparus de l'EHPAD, se répandait en éloges sur le comportement exemplaire de tous ceux, nombreux, qui ont manifesté un mouvement de générosité, de solidarité... La complainte alambiquée s'achevait sur une exhortation excessive à respecter le confinement. Mais sur le terrain, les forces de l'ordre ne se montraient pas très zélées pour vérifier l'application de cette mesure essentielle à la réduction de l'ampleur du désastre actuel. Aussi, chacun pouvait adapter les consignes de limitation de ses déplacements à son gré, selon son humeur du moment. Soudainement, à cause de cette épidémie, sous le slogan "Confiné(e), je consomme local", la mairie a semblé découvrir que son terroir recelait un réseau riche d'acteurs de l'économie locale : les circonstances très particulières dues à cette situation l'ont amenée à publier sur son site internet une liste des artisans, commerçants et producteurs exerçant sur son territoire. Certes, ce geste notable a démontré un élan de générosité vers une frange besogneuse de la commune. Toutefois, il est apparu bien modeste par rapport à la demande de soutien aux manadiers : elle a, en effet, sollicité la Région pour le déblocage d'aides afin de soutenir les professionnels de la bouvine, activité traditionnelle et prisée sur les terres de Petite Camargue...

L'apparition massive de cette pandémie sur le sol hexagonal a exacerbé les relations contrastées des français avec la gent soignante. La manifestation vespérale, quasi spontanée, qui retentissait depuis les fenêtres des immeubles a permis de retendre le ressort des vocations que les difficultés, la fatigue et la lassitude auraient pu effilocher. Les applaudissements résonnants des balcons et les mercis affichés aux fenêtres à vingt heures précises ont réchauffé les cœurs de ces combattants emmitouflés dans leur scaphandre étanche et leur ont prodigué de salutaires encouragements. De simples sentiments sincères mais distants, ces soutiens sont devenus des aides matérielles précieuses : des viennoiseries ont amélioré la pause café et le moral des troupes ; des plats complets offerts par des chefs cuisiniers ont apporté bien-être et instants d'évasion lors des repas en salle de repos ; des chocolatiers ont agrémenté les moments de relâche par leur savoureuses et vertueuses créations. Dégagés des contraintes vitales et réconfortés par ces béquilles sympathiques et chaleureuses, les équipes de soignants ont remobilisé leur énergie. Quelles belles actions solidaires ! Toutefois, des agissements farouchement antipathiques ont été commis par une minorité de personnes égoïstes, irrespectueuses et immorales. Par l'intermédiaire d'affiches hostiles ostensiblement placardées à l'entrée de leur immeuble ou sur le pare-brise de leur véhicule, de bons voisins ont étalé leurs ressentiments fielleux à l'encontre de personnels hospitaliers ou de pompiers : ils les enjoignaient de déménager de leur appartement sous le prétexte irréfléchi et fallacieux qu'ils introduisaient le covid dans le bâtiment ou le quartier. Comment des gens aussi individualistes et antisociaux peuvent-ils manifester autant de haine envers d'autres humains qui exercent leur noble profession avec tant d'abnégation ? Ce sont ces personnages béatement ignobles que le poète sétois Georges Brassens honore en boucle dans le refrain de sa chanson "Le temps ne fait rien à l'affaire"quand on est con, on est con... S'ils étaient un jour dans le besoin des riches compétences de ces valeureux soignants, quel regard pourraient-ils leur adresser ?

L'annonce présidentielle implorant les français à respecter un confinement strict comme meilleur moyen pour endiguer le monstrueux raid viral a généré des incidences collatérales étranges, terminologie militaire idoine. Théâtrale, inutilement martiale et navrante, cette déclaration solennelle a ainsi suscité des peurs anxiogènes, résurgences de refoulements profonds. Les consommateurs impénitents, par réaction épidermique, se sont rués vers leurs lieux de dévotion favoris, carte bleue aiguisée. Derrière leur comptoir récemment protégé d'une vitre en plexiglas, les hôtesses de caisse voyaient défiler des chargements inhabituels :  de volumineux caddys de pâtes ou de papier toilette précédaient de lourds chariots débordant de paquets de farine, de packs de lait et de cartons d'œufs. Pour certains, les crêpes ont dû être au menu de tous les repas, matin, midi et soir, jusqu'à la fin du monde annoncée. Petit plus de la crêpière, une garniture de protéines de mites alimentaires agrémentait rapidement ces tri-quotidiennes galettes. D'autres ont dû découvrir le bonheur de pouvoir se soulager bruyamment, sans retenue, dans leur espace d'aisance récemment tapissé de rouleaux de papier hygiénique et donc parfaitement insonorisé... Cette situation de repli forcé, imposé avec insistance, a produit d'autres comportements inaccoutumés. Les hyperactifs sociaux, souvent inconditionnels du siège auto, ont discerné chez eux d'inopinés et irrépressibles besoins de marcher ou de courir. Enfin, les scrupuleux, adeptes du respect de la règle, ont mobilisé toutes les énergies potentiellement enfouies dans leur inconscience pour vaincre l'oisiveté induite : des toiles se sont enluminées, des créatures romanesques ont illuminé les imaginaires, des poésies ont ensoleillé les vies, toutes sortes de créations et de réalisation ont éclos ici ou là... De manière plus sobre et pragmatique, des petites mains se sont lancées dans la fabrication de masques maison, denrées rares devenues indispensables et onéreuses. 

La survenue de plusieurs épidémies depuis quelques décennies interroge les modes de vie et d'action récents de l'espèce humaine. Ces affections pathologiques graves sont toutes d'origine animale. Souvent par cupidité, des apprentis-sorciers initient des pratiques contre nature ou illicites. L'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) est apparue chez ces ruminants herbivores par de la nourriture artificielle carnée, puis transmise à l'homme par leur consommation. Le covid aurait probablement investi l'homme par l'ingestion de viande de pangolin, espèce protégée, ou le maniement de leurs écailles aux vertus médicinales supposées. Entre transgression des lois naturelles et destruction de la biodiversité, ces travers nuisibles issus des agissements humains déraisonnables malmènent inexorablement la Nature. Malgré les effets secondaires infligés, sa patience et sa résilience lui procurent la force et l'énergie pour reprendre progressivement son cours, sa maîtrise ! Quand les hommes manifesteront-ils plus d'humilité et abandonneront-ils leur volonté démente de suprématie ?

Que subsistera-t-il de cette expérience exceptionnelle vécue pendant cette difficile et importante période, entre l'arrivée de la pandémie et la durée de confinement ? Le covid-19 présente deux particularités principales essentielles à son lourd impact sur la population de la planète : l'étendue et la vitesse de sa propagation dues à son taux de reproduction, supérieur à 3, et la virulence de ses effets négatifs sur la santé des humains. Ces deux facteurs ont généré diverses incidences et des changements de comportement sociaux et sociétaux :

  • Lorsqu'elles étaient latentes ou récurrentes, la situation de promiscuité au sein du foyer a exacerbé les tensions intrafamiliales. Mais généralement, la vie quotidienne communautaire a amélioré la fluidité des liens familiaux de façon sensible. La disponibilité accrue de chacun a généré des rapports intrafamiliaux plus relâchés et proches. Les longs moments de cohabitation ont souvent mué la convivence imposée en connivence subtile. Les suggestions de travaux scolaires proposées par les enseignants ont favorisé des échanges culturels inédits et bénéfiques à tous. Cette complicité fortuite et temporaire s'inscrira-t-elle dans la durée ?
  • Une partie de la population a (re)découvert la présence de denrées alimentaires produites et distribuées à proximité de son habitation. Ces nouveaux clients ont ainsi côtoyé des producteurs, souvent d'exploitations modestes et passionnés. De simplement commerciaux au départ, les contacts liés lors des achats ont amendé les connaissances réciproques. La saisonnalité des fruits et des légumes, évidence pour le terriens, a parfois constitué une découverte pour des citadins. Ces derniers ont pu, par exemple, assimiler les raisons de l'insipidité et de la cherté des fraises ou des tomates à Noël. Ces modes de consommation de produits issus de production locale vont-ils devenir des habitudes  pérennes ? 
  • Avec une spontanéité naturelle, des villages ruraux aux cités de banlieue, des rapprochements se sont opérés entre voisins par une écoute accrue, plus  attentive, une entraide multiforme, voire une aide matérielle aux personnes plus âgées ou moins valides. Ce regain de solidarité, de fraternité, perdurera-t-il ? Les rapports sociaux de proximité s'établiront-ils dans une convivialité permanente ?
  • Les habitués des activités erratiques et polymorphes toujours en mouvements ont expérimenté des modes de vie plus posés. La satisfaction de leur besoin de sortir de leur logement, dans le respect des clauses de l'attestation de déplacement dérogatoire, a été comblée par de simples déplacements pédestres sans but vraiment défini. Ces néo-marcheurs du confinement poursuivront-ils cette occupation naturelle, sobre et saine ?
  • La pénurie de protections indispensables aux soignants (masques bucco-nasaux, sur-blouses...) et la tension sur l'approvisionnement de certains produits pharmaceutiques ont conduit à des réquisitions d'entreprises françaises. Certaines ont relancé leurs fabrications abandonnées par manque de commandes... en raison de leur coût de production trop élevé. D'autres ont simplement modifié quelques réglages de leurs machines pour être en capacité de produire ces équipements manquants. En quelques semaines, l'industrie française a montré son aptitude à répondre à la sollicitation des autorités pour la satisfaction de besoins urgents et nécessaires. Celles-ci auront-elles la volonté de reconduire cette politique de maîtrise de la gestion des matériels essentiels au bon fonctionnement des institutions publiques, médicales ou autres ?
  • La crise sanitaire consécutive au covid a matérialisé clairement les difficultés de fonctionnement du système hospitalier français. Les alertes répétées, non entendues, des personnels concernés sur la nécessité d'engager des améliorations concrètes ont reçu un écho soudain à la suite de cet événement tragique : des moyens financiers ont été annoncés pour secourir ce secteur malade. La conception (re)naissante moins comptable,  plus humaine et pragmatique, de nos services hospitaliers entame-t-elle une nouvelle ère ?
  • Les difficultés d'approvisionnement des matériels médicaux au niveau mondial, en particulier les masques bucco-nasaux, a rendu patent les inconvénients flagrants du système commercial mondial actuel. La rentabilité, moteur essentiel de ce mécanisme pervers, a produit un quasi monopole de leur fabrication en Chine, lui conférant de fait la maîtrise absolue des tarifs de distribution. En raflant tous les marchés, l'ogre ultranationaliste plus offrant crée indirectement la pénurie dans tous les autres pays. Cette attitude égoïste dénuée de considérations altruistes, combinée par ailleurs à un protectionnisme de circonstances, enclenchera-t-elle une refonte plus saine des relations commerciales mondiales ? Pourra-t-elle inciter certains états hégémoniques à mettre un peu de roussanne, ou autre merlot, dans leur eau ?
  • Les Trente Glorieuses se sont caractérisées par un cercle vertueux à cette époque : les progrès scientifiques, technologiques et industriels ont conduit à une croissance économique considérable dans le monde occidental. Ce système gagnant-gagnant a progressivement montré des faiblesses, d'une part sur les humains en amplifiant les inégalités, et d'autre part sur leur environnement en le maltraitant. L'extension effrénée du machinisme et l'utilisation massive d'intrants variés pour les besoins de l'agriculture intensive ont amené à une réduction conséquente des organismes vivants. Cet appauvrissement de la vie des écosystèmes se traduit par un déséquilibre au sein des espèces : la prospérité de certaines favorise l'étiolement d'autres et inversement. ce cercle vicieux gangrène gravement la Nature, à la fois forte et fragile. La prolifération de ce coronavirus pourrait être subséquent à cette perte de biodiversité. Les effets désastreux de cette pandémie pourraient-ils catalyser un changement de paradigme sociétal capable d'enrayer cette spirale destructrice ?

Cette perception singulière de la crise sanitaire mondiale vécue en ce début 2020 n'exhale pas l'optimisme. Les progrès scientifiques constants, et plus précisément dans le domaine médical, ont habitué l'humanité à un confort et une sécurité sanitaires. Avec une relative aisance, ils l'assuraient de la réussite à juguler la majorité des épidémies successives : aucune pathologie nouvelle ne semblait pouvoir résister à la médecine moderne. L'apparition du covid-19 a contrarié les certitudes du monde médical, souvent imbu de suffisance, teintée parfois d'arrogance. Malgré la mobilisation de la planète entière, aucun remède préventif ou curatif n'était en capacité de le combattre, de dompter ses ardeurs, de stopper ses dommages funestes. Comme le slame Grand Corps Malade, avec tant de justesse et de gravité, ses effets secondaires augurent un avenir interrogatif, incertain, plutôt pessimiste.