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A l'origine de l'humanité, les préoccupations essentielles des humains se résumaient à leur survie immédiate et à la continuité instinctive, animale, de l'espèce. Outre la protection contre d'éventuelles attaques de prédateurs, ce souci naturel de conservation se traduisait au quotidien, principalement, par le besoin spontané de s'alimenter, d'emmagasiner de l'énergie. Cette quête indispensable de nourriture s'opérait dans l'environnement proche : la prodigalité de la nature, tant bienfaitrice qu'opulente, satisfaisait la demande de toutes les espèces animales qui la peuplaient. Naturellement et par nécessité chasseurs-cueilleurs, les humains prélevaient, sur leur lieu de vie, les ressources en abondance à leur portée. Les espaces découverts constituaient une réserve privilégiée de denrées aisément accessibles : du (petit) gibier aux végétaux comestibles. En particulier, sur tous les continents, foisonnaient sous différentes formes des plantes essentielles à l'existence animale depuis des millénaires : les céréales ou autres plantes à graines, légumineuses ou oléagineuses. 
 
L'évolution des mœurs des humains, de la maîtrise du feu à la sédentarisation associée à l'agriculture et l'élevage, a induit des modifications des modes de production et de consommation de la nourriture basique issue de la cueillette. La mise en culture de plantes triées et sélectionnées a généré leur meilleure qualité et accru leur quantité. La cuisson a conduit soit à la meilleure assimilation nutritionnelle de certains aliments, soit à la possibilité de l'utilisation de certains autres, indigestes ou toxiques crus. Le broyage de certaines amandes a fait apparaître de nouvelles substances, les farines, aux propriétés culinaires nouvelles, notamment induites par leur hydrosolubilité et leur faculté à épaissir sous l'action conjointe de l'humidification et de la chaleur. Ces sources de préparation différentes ont contribué à un apport varié de l'usage de l'offre riche et spontanée de la nature. Rencontrées dans différents continents et bien antérieurement à la mondialisation actuelle, ces coutumes inédites témoignent d'un effet positif de la civilisation. Peut-être serait-il plus judicieux d'évoquer ici les civilisations car elles sont effectivement établies sur des concepts et des prémisses propres en divers lieux de la planète. Qu'elles aient été le fruit de création géniale ou le résultat inopiné d'une manipulation fortuite, ces transmutations des pratiques ont constitué une indéniable avancée pour l'humanité. 
Dans pratiquement toutes les cultures, le mélange simple de farine et d'eau, souvent accompagné de sel, est devenu la base de maintes préparations. Les feuilles de riz élaborées initialement en Asie constituent depuis des millénaires des supports indispensables de la cuisine asiatique ; de même, les tortillas de farine (de maïs) composent la base des tacos sud-américains ; dans le bassin méditerranéen, une importante variété de mets est réalisée à partir de différentes pitas ; les nourrissantes bouillies confectionnées à l'eau ou au lait, d'une viscosité idoine, remplissent les petits estomacs en tous lieux du globe... La fermentation de cette pâte légèrement liquide et fluide a permis la confection de levain. Cette substance vivante, au goût doucereusement suret, en constante évolution sous l'effet des bactéries de l'air, libère du gaz carbonique ; cette réaction chimique naturelle est à l'origine de la panification ; l'action du ferment donne au pain une consistance aérée et une saveur agréablement acidulée ; de plus, elle favorise la digestion et l'assimilation du bol alimentaire. Cet aliment aux multiples aspects, tant visuels que gustatifs, constitue un accompagnement quasi incontournable dans la gastronomie française notamment. A cette alliance d'eau et de farine, en l'occurrence de blé noir (sarrasin), l'ajout d'œufs permet la confection des fameuses galettes bretonnes. D'autres compléments à cette structure basique binaire permettent l'élaboration de produits pâtissiers divers : il s'agit principalement d'ingrédients sucrés et de matières grasses qui apportent de l'onctuosité et une texture plus légère. En particulier, l'incorporation, sans malaxage, d'une couche de beurre entièrement emprisonnée dans un rectangle aplati de détrempe produit le feuilletage après les six étapes du tourage ; cette opération répétée d'étirement et de pliage en trois du pâton sur lui-même crée l'alternance des strates de pâte et de beurre ; sous l'effet de la chaleur lors de la cuisson, les fines pellicules grasses perlent entre les 730 feuilles en les faisant rissoler ; conjointement soudées et juxtaposées, ces dernières engendrent l'aspect boursouflé, aérien, fragile et délicat, typique de la pâte feuilletée. 
La confection de la pâte à chou met en œuvre la panoplie traditionnelle des ingrédients usuels de la pâtisserie : eau, farine, beurre et œufs, éventuellement complémentés en sel et sucre (par exemple, la fabrication de deux douzaines de choux nécessite 125 centilitres d'eau, 50 grammes de beurre, 75 grammes de farine, 2 œufs, une pincée de sel et, éventuellement selon l'utilisation, 2 grammes de sucre). C'est leur agencement dans l'exécution de la recette qui génère son rendu prodigieux et singulier. Cette préparation, d'exécution aisée et rapide, s'effectue en deux étapes simples et brèves. Dans un premier temps, la farine est incorporée, hors du feu, au mélange bouillant de beurre fondu dans l'eau légèrement salée. La panade obtenue doit former une boule épaisse et compacte, remise à dessécher sur feu doux pendant quelques minutes afin de nettement se détacher du récipient. Cette méthode d'amalgame de ces trois éléments se dénommait à l'origine, au dix-septième siècle, "pâte à chaud". De leur dosage précis et rigoureux émane sa consistance requise, ferme mais souple. Dans la seconde phase, après un léger refroidissement (pour ne pas les cuire), les œufs sont mélangés un par un de manière à obtenir un appareil de densité moyenne et onctueux ; de délicate au départ lors de la fusion des éléments liquides à la masse solide, cette opération doit devenir vigoureuse pour incorporer un maximum de bulles d'air ; l'appareil est réussi lorsque le ruban se rompt à l'étirement en formant un bec d'oiseau au bout de la spatule. Lors de la cuisson, c'est la synergie de deux phénomènes complémentaires qui engendre le résultat caractéristique de cette pâtisserie : d'une part, l'eau contenue dans la pâte se transforme en vapeur qui, grâce à son élasticité, produit son gonflement ; d'autre part, en coagulant, l'albumine des œufs raffermit la couche extérieure et la rend imperméable. La pâte à chou acquiert son apparence finale à l'équilibre entre son développement et sa fermeté. Elle devient alors une coque rigide, fine et délicieusement croquante renfermant un espace intérieur vide et de bon volume, prête à être savourée telle quelle pour sa légèreté ou fourrée de préparations diverses, pouvant revêtir un glaçage...

Cette fabrication élémentaire de la pâte à chou à partir de composants basiques s'achève par un produit fini utilisable de maintes façons : sa plasticité et sa consistance autorisent des mises en forme diverses et de dimensions variables ; le mode de cuisson utilisé concourt à l'augmentation de la variété des résultats produits. Ainsi, des noix de cette pâte plongée dans de l'huile de friture se transforment en légers et savoureux pets de nonne d'aspects irréguliers mais attrayants. En suivant ce procédé, l'alliance avec de la purée de pomme de terre permet de concocter de succulentes pommes dauphines dont la croûte délicieusement croquante renferme un cœur moelleux et fondant. Certes, sur le plan nutritionnel, cuire de cette manière n'est pas le plus recommandé... Toutefois le plaisir gustatif de consommer ces mets, avec modération selon l'expression usuellement consacrée, relègue cet inconvénient de la surcharge de matière grasse hors du champ de la raison. Chauffer cette pâte à chou au four offre l'avantage de la rendre moins huileuse, plus sèche et plus digeste. L'adjonction à cette préparation de fromage râpé (gruyère, emmental, comté...) crée d'exquises gougères, éventuellement parfumées de paprika, de cumin, de piment... Elaborés à partir de farine de blé, bise ou complète, de sarrazin ou de seigle, ces légers et goûteux "gnamagnamas" accompagnent subtilement tout apéritif ou simple pot. Mais c'est dans l'univers des douceurs que les pâtissiers manifestent l'étendue de leur talent, libèrent leur prolifique esprit créatif, débordent d'imagination fertile : aussi vaste que féconde, la palette des recettes de desserts foisonne de toutes parts, des pages richement illustrées de la littérature aux articles animés du web. Parmi cette profusion de pâtisseries, la plus emblématique est assurément la pièce montée ; cette pyramide de choux luisants et délicatement fourrés, parfois agrémenté de nougat, termine le menu de nombre de fêtes familiales solennelles ou autres banquets depuis des décennies ; à la conclusion d'un repas souvent riche et copieux, sa gracile majesté génère toujours un émerveillement visuel collectif et constitue le prélude à l'extase de chaque palais, avec une pesanteur diététique modérée. A la carte de bonnes tables, leurs chefs proposent fréquemment une autre spécialité très prisée : les profiteroles ; ces petits choux renferment le plus souvent une garniture de glace vanille et s'effacent sous une dégoulinade de nappage au chocolat chaud ; le contraste des températures entre le contenu et l'enrobage de cette coque croustillante confère à l'ensemble une suavité unique ; des déclinaisons originales avec un nappage de caramel salé produisent des effets comparables sur un registre gustatif différent : par exemple, des choux confectionnés avec de farine de seigle fourrés de crème pâtissière parfumée à l'estragon ou encore des choux classiques garnis de crème pâtissière réalisée avec de farine de châtaigne et aromatisée au praliné... Un autre délice incontournable concocté à partir de cette base porte une dénomination évocatrice d'évasion à l'époque de sa conception, à la fin du dix-neuvième siècle : la juxtaposition du nom de deux villes françaises, la Capitale et la plus occidentale. C'est en effet en hommage à une course cycliste entre ces deux cités que ce célèbre paris-brest doit son appellation. Cette couronne de pâte à chou s'inspire et symbolise une roue de vélo sans ses rayons. Ce boyau rotacé comble son volume intérieur aérien bien développé par une onctueuse crème mousseline, mélange de crème pâtissière au praliné et de beurre. Un léger saupoudrage de sucre glace parfait son apparence visuelle en ouatant sa croute superficielle brunie par des amandes effilées grillées. Enfin, on ne peut clore ce modeste échantillonnage des potentialités offertes par cette étonnante préparation sans évoquer le saint-honoré. Malgré la suggestivité qu'elle laisse supposer, la dénomination de ce gâteau ne provient pas directement du saint patron de la profession, mais emprunte le nom de la rue parisienne de l'établissement où officiait son créateur. Ce régal pour l'œil et les papilles constitue un monument de la pâtisserie française à plusieurs égards : son imposante architecture impressionne dès le premier regard ; l'alliance des saveurs de ses différents ingrédients constitutifs provoque un mélange d'émotions gustatives surprenantes ; sa composition insolite d'une double association de deux pâtes et de deux crèmes lui confère une aura unique ; par la diversité des tâches à accomplir, sa réalisation concrète mobilise un temps et une énergie conséquents ; la réalisation de son décor inédit a nécessité la création d'une douille spécifique et exclusive. Pour confiner au sublime, ce patchwork pâtissier autorise une multitude de déclinaisons, ce que les esthètes des espaces médiatiques et culinaires présentent en affublant sa dénomination, plutôt élégante, de l'épithète "revisité". Par exemple, superposer les deux crèmes, sans les mélanger, octroie à chaque dégustateur le choix de leur osmose intégrale ou subtilement orchestrée ; l'éventail des parfums de la crème pâtissière ouvre des possibilités presqu'à l'infini : des classiques et exotiques (vanille, café ou chocolat) aux alcoolisés (rhum, kirsch, Armagnac, Grand Marnier...) en passant par les plus locaux (praliné, châtaigne...) ou encore en incorporant des fruits en dés ou malaxés ; substituer à cette dernière une purée (ou compote) de fruit ou une marmelade lui confère une légèreté souvent appréciée en fin de repas ; garnir les choux de la couronne périphérique différemment de l'arôme choisi pour le fond améliore la palette des saveurs déjà présentes ; en aromatisant délicatement la crème chantilly par infusion préalable (verveine, menthe,  mélisse...) une nuance exquise magnifie d'une finesse insoupçonnée cette délectable pâtisserie.